Note de lecture

Christine Guinard, Ils passent et nous pensent, éditions unicité, par Nicolas Rouzet

Ceux qui passent et nous pensent ce sont ces 450 000 républicains, réfugiés de la guerre civile espagnole, qui traversent à pied les Pyrénées à partir de février 1939, pour arriver en France où ils sont ( mal ) accueillis, souvent dévalisés par les gendarmes français, parqués de façon sordide en plein hiver sur des plages derrière des barbelés.
Bien qu’elle soit descendante de ces réfugiés de la retirada, l’auteure dans ce texte ne précise pas ce qui la lie à eux ; il ne s’agit pas d’un récit de filiation comme dans « Sans abuelo petite » ( carnets du dessert de lune, 2017 ) de Cécile Guivarch où celle-ci sondait la mémoire familiale.

Christine Guinard inverse la situation, comme si ce n’était pas elle qui évoquait ces réfugiés, mais ces fantômes du passé qui se penchaient sur elle, sur nous, sur notre monde présent et ses drames propres, ses autres réfugiés, car ces spectres du passé qui hantent l’Europe, ce sont aujourd’hui ceux des îles de Lesbos, de Lampedusa, ceux de partout :

« Je n’ai pas atterri sur la plage dans l’air obscurci d’une nuit glacée de février/ vu les coups vu les pleurs vu la chute d’êtres épuisés/ (…) l’odeur inhumaine la maladie les morts/ j’ai juste habité ma maison ».

Tout au long de son recueil, elle poursuit ce paradoxe, sous forme de litote, avec cette négation linguistique « je n’ai pas » et développe l’anaphore. Elle n’a pas vécu le déracinement mais a tenté l’enracinement : « j’ai juste habité ma maison/ j’ai parlé la langue de ma mère, de mon père, et de mes amis/ j’ai juste habité la même grande ville si longtemps ». A défaut, de fuir sur les routes, elle nous expose sa quête avec simplicité : comment vivre, comment habiter le monde poétiquement ? Au contraire des réfugiés qui quittent un lieu, elle, tente de demeurer, et si l’arrachement à la langue fut l’une des formes de leur exil, il s’agit pour elle au contraire, de tisser la langue, de renouer par les mots. Osant toutefois ce parallèle entre la retirada historique et le retrait du travail poétique, la volonté de vivre en aparté, voire de fuir un monde qui semble devenu invivable faute d’espérance.

Dans une langue simple, l’auteure crée une atmosphère intime et mystérieuse, le paradoxe est qu’elle redonne vie et voix, à celles et ceux dont elle ne cesse d’affirmer tout au long de ce recueil, qu’elle ne partage pas le sort.

Nicolas Rouzet

François Bordes, Zone perdue, par Anne Mulpas

Zone perdue – fragments d’itinérance. Je reprends ma chronique. Sa première version date déjà d’il y a trois semaines. A L’ours & la vieille grille. Sa deuxième version s’impose après mon cheminement dans l’exposition Rothko. Me voici au troisième temps du texte, à moins que ce ne soit le quatrième, le centième…

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Étienne Faure, Vol en V, éditions Gallimard – par Anne Gourio

Note de lectureComme on suit, fasciné, la trajectoire des oiseaux migrateurs, le dernier recueil d’Etienne Faure puise dans le ballet aérien de leur « vol en V » un sens de l’élan, du franchissement, du frayage qui se nuance en légères et souples inflexions au fil des espaces traversés à...

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Frédérique Guétat-Liviani, Il ne faudra plus attendre un train, éditions LansKine – par Étienne Faure

Ce recueil emprunte son titre à l’une des trois parties qui le composent : si c’était le cas, (passe) ; il ne faudra plus attendre un train. En découvrant cette composition, on pense spontanément à un ensemble où viendrait s’intercaler le texte de (passe). Puis l’œil et l’oreille distinguent vite une même voix, dans ces deux pans, deux partis pris formels différents dans le cheminement de l’écriture de Frédérique Guétat-Liviani.

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Le journal des poètes 1/2022 – par Nicolas Rouzet

Le Journal des Poètes, numéro 1 de l’année 2022 – La langue est aussi frontière, nous dit Jean-Marie Corbusier, pratiquer un art, c’est toujours ouvrir quelque chose qui est présent autour de nous. C’est d’un même esprit d’ouverture que témoignent les poètes luxembourgeois auxquels est consacré le dossier présenté par Florent Toniello. Ici les langues dépassent les frontières, elles se chevauchent…

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