Note de lecture

Gérard Macé, Silhouette parlante, éditions Gallimard, par Etienne Faure

Pour celles et ceux qui ont la chance de lire régulièrement Gérard Macé, c’est toujours le sourire aux lèvres qu’ils abordent un de ses nouveaux ouvrages. Car cette voix très distincte, distinguée, feutrée – et même féroce– nous a habitué à lire avec cette légère distance focale entre les lignes de la vie qu’il donne à voir sous forme d’essais, de notes, de déambulations, de colportages…de pensées par tous les temps subtiles, émues, goguenardes, radicales. Une légèreté de ton qui ne masque jamais la gravité ou l’ironie du propos.

G. Macé revient cette fois-ci avec des poèmes, sa première demeure ou plus exactement son premier jardin, ouvert dès son très mémorable recueil Le jardin des langues (le chemin NRF, Gallimard, 1974). A.Pieyre de Mandiargues, dans sa préface d’alors, y parlait déjà de « virtuosité », de « limpidité » et d’« un je-ne-sais-quoi de baroque », s’interrogeant également au passage sur la place spécifique de la prose et du vers – et leur indicible frontière, parfois.

Avec Silhouette parlante, revoici donc cette voix, en prose et en vers présents dans un même ouvrage, comme il s’en fabrique depuis la Vita nova. Partagé en deux temps le recueil commence par cet avertissement : Je n’écris plus. Une assertion qui semble vouloir s’illustrer par un choix de formes courtes, de trois vers chacune, introduites par « à » et qui marquent la ressemblance avec la poésie revenue « par bouffées », celle « qu’on savait par cœur et dont on a honte aujourd’hui ». Un inventaire de ressemblances qui devient vite hommage, comme une litanie dédiée « À la récolte du brouillard, /aux espèces qui survivent dans le désert /en se nourrissant de rosée. » Ces minuscules concentrations contiennent une émotion extrême où rôde et hésite le rire « Au cri du paon dans une cour de ferme, /quand mon père /qui s’appelait Léon m’appelle de l’au-delà. »

Après nous avoir déclaré qu’il n’écrivait plus, le poète G. Macé, qui est également photographe – parmi les nombreuses cordes accrochées à sa Harpe–, use cette fois-ci d’un mot issu de l’activité filmique pour nous livrer le second ensemble, de prose et de vers mêlés : Silhouette parlante. Beaucoup de silhouettes y sont en effet présentes : des scrutations d’instants, des rêves, des lectures et des remémorations, des scènes de naguère et de maintenant, des ombres passantes, pensantes ou presque muettes, « un monde de souvenirs plus ou moins confus dans lequel les personnages échangent leurs rôles » et où « les parallèles finissent par se rejoindre », où se croisent « La lecture et l’écriture : la chaîne et la trame/ d’une tapisserie dont on ignore le motif ». Et toujours l’humour en marche, « les chaussures des clowns, / plus encombrantes que les ailes de géant. »

Au cinéma, les silhouettes et les figurants qui forment ces espèces de présences au second plan, sont exclus de la définition des artistes-interprètes car considérés comme « acteurs de complément ». La silhouette parlante a droit jusqu’à cinq mots. Cinq mots. Gérard en use avec précision. Peut-être aussi parfois en lieu et place des silhouettes muettes, elles, en allées dans le grand livre de la mémoire.
On ressort (est-ce le terme ?) de cette déambulation, bien d’accord avec Georges Monti (à qui le recueil est dédié) : on ne veut pas croire que Gérard Macé n’écrit plus. La preuve : on ne cesse de le lire et, par bonheur, le relire.

Étienne Faure

François Bordes, Zone perdue, par Anne Mulpas

Zone perdue – fragments d’itinérance. Je reprends ma chronique. Sa première version date déjà d’il y a trois semaines. A L’ours & la vieille grille. Sa deuxième version s’impose après mon cheminement dans l’exposition Rothko. Me voici au troisième temps du texte, à moins que ce ne soit le quatrième, le centième…

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Étienne Faure, Vol en V, éditions Gallimard – par Anne Gourio

Comme on suit, fasciné, la trajectoire des oiseaux migrateurs, le dernier recueil d’Etienne Faure puise dans le ballet aérien de leur « vol en V » un sens de l’élan, du franchissement, du frayage qui se nuance en légères et souples inflexions au fil des espaces traversés à tire-d’aile…

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Frédérique Guétat-Liviani, Il ne faudra plus attendre un train, éditions LansKine – par Étienne Faure

Ce recueil emprunte son titre à l’une des trois parties qui le composent : si c’était le cas, (passe) ; il ne faudra plus attendre un train. En découvrant cette composition, on pense spontanément à un ensemble où viendrait s’intercaler le texte de (passe). Puis l’œil et l’oreille distinguent vite une même voix, dans ces deux pans, deux partis pris formels différents dans le cheminement de l’écriture de Frédérique Guétat-Liviani.

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Le journal des poètes 1/2022 – par Nicolas Rouzet

Le Journal des Poètes, numéro 1 de l’année 2022 – La langue est aussi frontière, nous dit Jean-Marie Corbusier, pratiquer un art, c’est toujours ouvrir quelque chose qui est présent autour de nous. C’est d’un même esprit d’ouverture que témoignent les poètes luxembourgeois auxquels est consacré le dossier présenté par Florent Toniello. Ici les langues dépassent les frontières, elles se chevauchent…

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